Hamilton se tourne vers l’intelligence artificielle pour transformer son système de santé

Intelligence artificielle

Des 2,3 millions de gens desservis par le réseau de santé de la ville de Hamilton, seulement 1 % (23 000 individus) accapare directement ou indirectement près de 60 % du budget annuel s’élevant à 1,2 milliard de dollars. Ce scénario inquiétant se répète partout au Canada qui, comme Hamilton, présente une population composée d’un nombre croissant de personnes âgées et de citoyens défavorisés avec des problèmes de santé multiples.

Face à ces budgets grevés et à cette complexité accrue, Renato Discenza, vice-président principal de la stratégie et de l’innovation de Hamilton Health Services (HHS), affirme que son organisation doit produire de meilleurs résultats avec moins d’argent.

«Nous connaissons tous les défis du système, qui est gigantesque et compliqué. Nous devons composer avec des gens, avec la science et avec le gouvernement», relate M. Discenza de Hamilton, où HHS emploie plus de 10 000 personnes dans six hôpitaux et six établissements de santé.

«Notre but immédiat consiste à améliorer les résultats et à gérer les volumes sans augmenter les coûts. Cela dit, même si les volumes demeurent les mêmes, le prix des médicaments, le coût de la technologie et les salaires vont en augmentant.»

Accomplir davantage avec moins de ressources est devenu la norme.

Bien que les médecins, les machines et les médicaments maintiennent les gens en vie, un autre élément essentiel n’a été que partiellement mis en place. Il s’agit des volumes gargantuesques de données médicales existantes qui ne sont pas exploitées à leur plein potentiel.

Les dossiers médicaux, les images, les rapports de recherche, les manuels et les renseignements de génomique sont éparpillés, et il est difficile d’y accéder. Sans un mariage transparent des données, le patient ne reçoit pas les meilleurs traitements.

Durant sa vie, un individu génère un million de gigaoctets de données en lien avec la santé, soit l’équivalent de 300 millions de livres. Or, les données se trouvent dans les dossiers des médecins, sur des radiographies, dans des ordinateurs portables et dans des articles de recherche. Lorsqu’un médecin examine un patient, il n’est pas humainement possible de savoir tout ce qu’il y a à savoir au sujet de ce patient. «Ça ne tient pas sur une planchette à pince», affirme M. Discenza. Et ce qui nous échappe pourrait être salvateur.

Une solution cognitive

On s’attend à ce que les données médicales doublent tous les 73 jours d’ici 2020. On estime que, en 1950, il fallait 50 ans pour que les connaissances médicales mondiales doublent. En 1980, sept années suffisaient et, en 2015, il faudra moins de trois ans. «L’information croît plus vite que nos moyens pour la traiter», admet M. Discenza. «Nous avons déjà des tonnes de données. Maintenant, comment les analyser?»

Pour maîtriser les volumes hallucinants de données médicales, HHS vient de lancer un projet qui tire profit de l’informatique cognitive, une application de l’intelligence artificielle (aussi appelée intelligence améliorée). Le système cognitif est composé de matériel, d’algorithmes, de modèles conceptuels et d’expertise liés au secteur pertinent; il a été conçu pour ingérer des données de toutes formes, les comprendre, apprendre de celles-ci et suggérer des solutions par leur entremise.

L’informatique cognitive a le potentiel d’examiner un volume ahurissant d’information et de le présenter aux professionnels de la santé qui, à leur tour, disposent des options les plus efficaces lorsque vient le temps de décider le meilleur traitement pour un patient en particulier.

Vous souvenez-vous de Watson, l’ordinateur d’IBM qui a battu à plates coutures deux champions de Jeopardy! en 2011? Aujourd’hui, Watson arrive à lire 40 millions de documents en seulement 15 secondes et il se concentre sur l’amélioration des résultats dans plusieurs disciplines, y compris la santé.

«Watson regarde les données dans un large spectre d’information et recommande le meilleur traitement. On peut carrément parler d’une relation entre les médecins et Watson»

affirme le docteur Kyu Rhee, vice-président et chef des services de santé Watson Health d’IBM.

«Si vous n’optez pas pour le meilleur traitement du premier coup, que se passe-t-il?», demande le docteur Rhee. On essaie différents traitements, ce qui gonfle les coûts et entraîne des pertes de temps. «Watson traduit les mégadonnées en vastes connaissances qui amélioreront les résultats et réduiront le gaspillage», fait-il valoir.

Le Nuage Santé Watson fonctionne comme suit : toute la documentation connexe, comme les documents Word, les PDF et les pages Web, est versée dans Watson. Pour former Watson, on ajoute des paires de question-réponse portant sur la santé et la science. De plus, le système est automatiquement mis à jour à chaque publication de nouvelles informations.

Pour répondre à une question, qui peut lui être posée de vive voix, Watson effectue une recherche sur des millions de documents et trouve des milliers de réponses possibles. Étant donné que Watson sait ce qu’il ne sait pas, durant ces quelques millisecondes de doute, il cherche des réponses. Watson recueille des preuves et utilise un algorithme de pointage pour évaluer la qualité de la preuve. Toutes les réponses possibles sont classées en fonction du pointage de la preuve à l’appui.

Pour le secteur de la santé, les répercussions de cette technologie infonuagique sont colossales. L’an passé, IBM Watson Health a fait équipe avec 14 instituts de premier plan voués à la cancérologie, y compris la B.C. Cancer Agency, dans le but de déterminer et de personnaliser les traitements à l’intention des patients. Les capacités cognitives de Watson raccourciront les délais, qui devraient passer de quelques semaines à quelques minutes, pour traduire l’information sur l’ADN, traiter le profil génétique d’un patient et glaner des renseignements pertinents dans la littérature médicale. Cela facilitera l’établissement d’un plan de traitement individuel. En outre, IBM a fait l’acquisition de Merge Healthcare, une entreprise d’imagerie médicale au service de plus de 7 500 établissements de santé. Watson utilisera la base de données Merge pour comparer les nouvelles images médicales avec les antécédents médicaux du patient et avec les populations de patients semblables. Cela aidera les cliniciens à déterminer les possibilités dans le traitement de diverses affections, comme le cancer, les AVC et les maladies cardiaques.

Watson à Hamilton

À Hamilton, IBM est en train de mettre sur pied un projet de recherche dans le cadre d’une initiative organisée en collaboration avec HHS. Installation physique, cette initiative jouera également le rôle de lien virtuel entre les spécialistes de domaine. Nous sommes en train de réaménager un vieil édifice du centre-ville et de le transformer en «immense bac à sable pour les personnes qui cherchent à régler les problèmes du secteur de la santé», explique M. Discenza. D’ici l’automne, les médecins, les ingénieurs et les programmeurs travailleront dans un environnement réel pour tester les possibles applications des capacités cognitives et d’analytique de Watson aux bases de données existantes de HHS et pour établir la manière dont les patients utilisent le système de santé.

Selon M. Discenza, Hamilton est l’endroit idéal pour cet incubateur : la ville est assez grande à l’échelle mondiale pour donner des résultats pertinents, elle abrite l’école de médecine de classe internationale de l’Université McMaster et elle compte quelques-uns des résidents parmi les plus en santé et les plus malades du Canada.

«Pour nous, la collaboration avec IBM consiste à développer de meilleurs outils pour gérer divers enjeux : la hausse des coûts en santé, des patients plus malades présentant des cas complexes, une population vieillissante et les difficultés croissantes d’accès au système de santé auxquelles sont confrontés certains groupes de gens. Ce centre nous donne l’occasion de proposer des technologies qui fonctionnent, de les essayer en version pilote, de les tester, de les mettre à l’échelle et de les déployer», conclut-il.