Distribution

« Grâce au digital, le luxe accède à de nouveaux marchés et de nouveaux clients »

Share this post:

Le secteur du luxe, qui était jusqu’ici très organisé autour du monde physique, a fait du digital une priorité au service de ses clients, de ses marques et même de sa créativité. Explications avec Michaël Miramond, directeur du secteur du luxe et de la distribution chez IBM France.

Pourquoi les marques de luxe ont-elles dû se transformer grâce au digital ?

Michaël Miramond – Le luxe a longtemps été réfractaire au digital, dans la mesure où il fallait trouver les moyens de concilier la singularité de son univers, qui repose sur des concepts de qualité et d’exclusivité, avec les codes du mass market. Toutes les marques ont aujourd’hui conscience des leviers qu’elles peuvent y trouver. En 2017, les ventes mondiales du secteur des biens de luxe personnels ont atteint 262 milliards d’euros, et 8 % de ce chiffre d’affaires a été réalisé online. Cette proportion pourrait atteindre 12 % en 2020 et 20 à 25 % en 2025, selon Bain & Company et le BCG (Business Consulting Group). Les marques ont dû s’adapter à la digitalisation des usages de la clientèle, qui a de plus en plus recours aux supports mobiles et aux réseaux sociaux. Aujourd’hui, 93 % des marques de luxe sont présentes sur Instagram, et Twitter est le deuxième réseau social le plus utilisé dans ce secteur. Il y a aussi une vraie nécessité à interagir avec les Millennials, qui portent aujourd’hui la croissance du luxe et représenteront 50 % de ses consommateurs d’ici à 2024. Grâce au digital, les marques accèdent à de nouveaux marchés, à de nouveaux pays et même de nouveaux profils de clients, comme les clients « réservés », qui n’auraient jamais osé entrer dans une boutique de luxe ou bien encore ceux que le shopping ennuie. Cette transformation digitale leur permet de bénéficier d’un rayonnement plus global, mais aussi d’adapter leurs gammes à l’échelle locale, que ce soit dans un contexte B2C ou B2B. Une marque comme Rimowa utilise par exemple sa plateforme digitale pour promouvoir ses bagages auprès de designers locaux qui vont personnaliser une partie de leur offre de bagagerie.

À quels besoins des marques répond le digital ?

M. M. – Le digital favorise l’engagement en créant un lien intime avec le consommateur et de l’émotion, notamment grâce à la vidéo. Louis Vuitton, qui est la marque de luxe qui compte le plus de followers sur Facebook, a créé une nouvelle manière d’engager sa communauté. Gucci propose des défilés sur Facebook Live. Chanel pratique le storytelling sur YouTube et possède 28 millions de followers sur Instagram. Prada a conçu une plateforme de big data qui anticipe les préférences de ses clients et permet de créer des offres adéquates. Duty Free Shop (DFS), la filiale de LVMH, leader du Travel Retail de luxe présente dans les aéroports, lance régulièrement des opérations commerciales pour augmenter le panier moyen, notamment en proposant à ses clients des jeux sur mobile leur permettant de bénéficier de réductions dans les boutiques et de diversifier leurs achats.

Le digital facilite aussi la prise de décision en permettant une meilleure connaissance des clients, de leurs besoins et préférences pour leur proposer des offres et des services adéquats. L’exploitation des données issues de la digitalisation et des objets connectés est un véritable vecteur de croissance pour les marques.
Enfin, il est important de sensibiliser les créatifs aux enjeux et aux apports du digital et de la data dans le processus de création et de co-création. Tommy Hilfiger a créé une plateforme de sensibilisation autour de l’excellence produit, l’adaptabilité au changement en proposant au client de co-créer avec les designers. J.Crew a lancé son propre réseau social sur son site pour capter tout ce qui se dit sur la marque, en positif et en négatif. Au travers de ces nouvelles données, ces marques arrivent à avoir des leviers supplémentaires de création et d’inspiration.

Comment le digital permet-il de satisfaire les attentes des clients ?

M. M. – Le digital leur propose de vivre de nouvelles expériences et d’interagir de manière très personnelle avec la marque. Burberry, qui avait déjà beaucoup travaillé sur le magasin connecté, installe des puces RFID sur une partie des vêtements et, dans les cabines d’essayage, le client reçoit des propositions d’articles en lien avec les vêtements essayés. La marque Reformation a ouvert récemment des boutiques aux États-Unis qui intègrent un vrai parcours client digital : les vêtements, que les clients peuvent voir et toucher, sont exposés sur des portants en un seul exemplaire. Il s’agit pour le client de sélectionner dans la bonne taille, sur des écrans tactiles, les articles de son choix et de les stocker dans sa cabine d’essayage virtuelle. Une fois sa sélection terminée, le client se voit attribuer un numéro de cabine d’essayage physique dont il peut personnaliser l’ambiance selon son humeur et où il retrouve les articles sélectionnés. Là, depuis la tablette présente dans la cabine d’essayage, il procède éventuellement à la sélection de nouveaux articles et peut même effectuer le paiement. Cette expérience très fluide facilite l’achat. Le digital est aussi un levier pour s’adapter aux spécificités locales. Dans le luxe, un client chinois a en moyenne 15 ans de moins qu’un client européen et 20 ans de moins qu’un client américain. Bien répondre à leurs besoins est d’autant plus essentiel qu’en 2024, les Chinois représenteront 40 % des consommateurs du luxe.

Dans quels domaines d’activité la transformation par le digital se traduit-elle plus particulièrement ?

M. M. – L’e-commerce est en forte progression (+21 % en France) et 75 % des achats sont influencés par le digital (source Ifop). Tous les acteurs se positionnent fortement sur l’e-commerce, comme on l’a vu avec le lancement du portail 24 Sèvres de LVMH ou avec Burberry. Hermès, qui avait été la première marque de luxe à se lancer dans l’e-commerce en 2001, va lancer une nouvelle version de son site en Europe d’ici la fin de l’année. Des partenariats avec des plateformes de marketplace comme celles du géant chinois Alibaba ou du britannique Farfetch permettent aux petites marques d’accéder à de nouveaux marchés, sans avoir à concevoir une plateforme e-commerce et toute l’infrastructure liée à la gestion des commandes et à la livraison. Le digital permet aussi un vrai renouveau du magasin : les flagships des marques sont des lieux privilégiés pour créer des expériences inoubliables grâce au digital. Les points de vente physiques gardent une importance considérable, tenant la dragée haute aux e-commerçants : ils sont en passe de devenir le lieu ultime de l’expérience et vont encore représenter 75 à 80 % des ventes d’ici à 2024.

Comment IBM accompagne-t-il ces évolutions ?

M. M. – Avec l’intelligence artificielle, IBM aide les marques à personnaliser leur offre, à individualiser la relation client, à tendre vers un approvisionnement dynamique et un merchandising personnalisé en ligne comme en magasin… Notre plateforme blockchain permet d’assurer une traçabilité des produits et de garantir les aspects éthiques sur toute la chaîne de production et de distribution.
IBM a récemment collaboré à différents projets avec sa plateforme cognitive Watson. En janvier dernier, IBM a noué un partenariat avec le Fashion Institute of Technology (FIT) de New York et Tommy Hilfiger. Les étudiants du FIT ont eu accès à nos technologies cognitives pour inventer de nouveaux motifs s’inscrivant dans l’ADN de la marque et concevoir de nouvelles collections. Pour Marchesa, nous avons créé une robe « cognitive et connectée » qui changeait de couleur pendant le défilé en fonction de ce qui était échangé sur les réseaux sociaux. Le designer australien Jason Grech a utilisé les e-services cognitifs de reconnaissance d’images de Watson pour déceler les tendances – couleurs, modèles, tissus – de la saison à venir. Il a utilisé ces données pour créer une « collection cognitive » de douze robes de haute couture, inaugurée lors du gala de la Fashion Week 2016 à Melbourne.

 

Vice President, Head of Global Business Development, Global Consumer Industry

More Distribution stories
23 avril 2024

LES KONKOURS IBM DU NUMÉRIQUE – Edition 2024

Au-delà des Concours de différents niveaux allant de l’école primaire à l’école d’ingénieurs, deux temps forts autour de la Cybersécurité. En partenariat avec CARENE et la Ville de Pornichet, IBM vous propose de les rejoindre :   Du mercredi 29 au vendredi 31 Mai 2024 Nous avons l’honneur d’avoir la présence de Béatrice Kosowski, Présidente […]

Continue reading

18 avril 2024

La CSRD, un changement de paradigme pour les entreprises européennes

La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) inaugure un nouveau paradigme et marque le début d’une nouvelle ère en matière de « rapportage » de durabilité et de soutenabilité. En instaurant un cadre définissant les principes de l’analyse de double matérialité, l’Union Européenne (UE) offre aux entreprises une nouvelle opportunité d’opérer leur transformation stratégique durable, tout […]

Continue reading

28 février 2024

L’intelligence artificielle et l’analytique avancée dans le système de santé français (Partie 2)

Face aux défis auxquels sont confrontés les systèmes de soins de santé, l’analytique avancée (AA) et l’intelligence artificielle (IA) sont des technologies à haut potentiel d’impact. Ces technologies peuvent équiper les systèmes de santé d’outils avancés pour renforcer les soins des patients et améliorer l’efficacité opérationnelle. La deuxième partie de cet article reprend le fil […]

Continue reading